Carte

Épilogue


Durant la guerre, la vie au village continua malgré tout dans l’espoir de jours meilleurs et la foi dans les destinées du pays… Après la guerre, Courbet, grâce encore à la volonté de ses hommes prit un nouveau départ…Mais cette persévérance à sortir le village de sa nonchalance, on la devra surtout à deux hommes qui réussirent à gagner l’estime de leurs concitoyens par leur aménité et leur façon toute paternelle d’administrer le village : il s’agit de Messieurs Auguste PEU et Pierre ZURCHER qui, investis des fonctions de premier magistrat de leur commune, n’hésitèrent pas, chacun à leur tour, à sacrifier leur énergie pour donner au village la physionomie qu’il conserva jusqu’à l’indépendance.

Grâce à leurs efforts et le concours également de la municipalité du Docteur ARTIGUES, d’importants travaux furent entrepris :

  • création de la cave coopérative, (1925)
  • installation de l’eau courante, (1933)
  • électrification du village,
  • mise en place du réseau d’égout,
  • construction de nouveaux locaux administratifs et équipements sportifs,
  • réfection des écoles,
  • création de nouvelles routes urbaines et rurales,
  • création d’une gendarmerie (1953)

Courbet retrouva aussi sa prospérité et sa joie de vivre… A la veille des années 1950, c’était une commune formant géographiquement une unité bien constituée avec deux annexes (Zaâtra – depuis 1935 Raymond Poincarré et Courbet-Marine anciennement Port aux Poules).
C’était un village d’une superficie totale de 5648 hectares pour une population totale de 6474 habitants (Indigènes compris), une cité sans histoire où l’on travaillait dans le calme et la dignité, où l’on suivait le progrès et où la distraction n’était pas exclue (comité des fêtes, chorale, Lyre de Courbet dirigée par Monsieur François CIANCIO, équipe de football…).

En 1954, un vent de folie est venu pourtant troubler ce coin paisible…Des victimes innocentes ont payé de leur vie le tribut à la civilisation et à leur attachement pour leur pays.. En 1962, au nom de la liberté, les hommes s’en allèrent, sans vraiment comprendre, serrant près de leur cœur meurtri une poignée de souvenirs… C’est en juillet 1964 que les derniers Européens, les THERASSE et les DOMINICI (Pascal DOMINICI, marié à une petite fille d’Hubert LAFONT, avait assuré la vacance à la mairie après le départ de l’ancien maire) quittèrent presque sans regret un village qui avait perdu son ‘âme’…

Aujourd’hui Courbet qui est redevenue Zemouri est une commune qui se meurt et qui a subi les outrages de l’abandon… Dans le cimetière européen profané, seules les tombes des familles LAFONT, DOMINICI et PEU sont restées debout et semblent défier le temps….Elles sont là pour nous rappeler qu’un jour la France avait un désert…


Arrivés au terme de cette étude du centre de Courbet, nous devons en dresser un bilan. L’histoire du village telle qu’elle a pu être reconstituée – avec des lacunes - a le mérite, bien que nous n’ayons ni l’impression, ni la prétention d’avoir répondu à toutes les questions que ce travail posait, d’avoir dévoilé une partie du mystère qui entourait la vie de ces Français et leurs combats sur cette terre d’Afrique qui apparaît bien comme le lieu d’inscription de leur aventure et de leurs souffrances.
Cette recherche neuve et originale – rien n’avait jamais été écrit sur Courbet-, nous a permis par l’étude d’une famille de pionniers dans le cadre de la plaine de l’Issers, de tracer les étapes et les limites de cette entreprise.

À travers l’exemple d’une petite colonie, c’est l’histoire de la conquête du pays pour ceux qui avaient trouvé l’espoir d’un avenir moins triste qui se dessine avec les phrases successives d’un travail « d’exploration », de mise en valeur des terres, des créations d’une infrastructure routière, administrative, communale. C’est aussi l’espace conquis, que l’on paie de ses larmes et parfois de sa vie.

À l’échelle du petit village de Courbet, c’est donc tout le système de la colonisation d’après 1871 (le souvenir des colonies de 1848 étant encore présent à la mémoire de certains…On ne voulait réitérer les mêmes erreurs) qui peut-être envisagé sous l’angle de la concession gratuite, de l’assimilation progressive, du dynamisme des hommes et de l’aide de l’Etat.

Nous dirons enfin que dans le cadre de cette étude, ne pouvant chercher davantage sans que cela ne prenne beaucoup trop de temps, certains points sont demeurés obscurs concernant notamment les Indigènes et les rapports entretenus avec la population française lors du séquestre des terres par exemple, les variations de l’état-civil ou le morcellement des propriétés (faute d’archives de l’état-civil et du cadastre)…

Cependant si le principal obstacle à notre travail a donc été le manque d’archives (la plupart d’entre elles sont restées en Algérie et malgré notre insistance, les services de l’administration algérienne n’ont pas voulu nous les montrer, ni nous permettre d’en faire des copies) il ne fallait pas pour autant renoncer à l’entreprise mais bien limiter notre champ d’exploration.

Cette étude aura donc eu pour but de mesurer et d’apprécier l’œuvre accomplie par la France en Algérie et de rappeler à ceux qui l’ont oublié, que les colons étaient des pauvres hommes, sans haine, qui ne connaissaient du mépris que ce que beaucoup de leurs concitoyens leur ont fait voir. Puisse l’exemple de cette recherche susciter en nous de nouveaux dévouements, et le souvenir de l’action humaine de nos anciens être le gage d’une compréhension toujours meilleure de cette période de notre histoire.