Carte

Chapitre V
Le village de Courbet (1886-1914)


L'administration et les services

Á l’échelon administratif, Courbet avait connu une activité limitée durant les années précédant sa création en commune de plein exercice. L’administration confiée depuis 1886 à un ancien colon du centre, Ferdinand MOULLET, permettait d’espérer une renaissance de l’activité administrative et des services. Grâce à la diligence de cet homme, de nombreuses réalisations furent menées à bien.

Dès 1886, le maire de Courbet et son conseil municipal (MM JEANNOUTOT, FUCHS, ANTONI, GRAZIANI, PERAULT….) décidèrent que la mairie située sur la place principale du village devait cesser de servir à la fois d’école et de célébration du culte catholique. A l’unanimité, le conseil reconnaissait qu’une école étant plus utile qu’une église, il était préférable de construire l’école et de laisser l’autorité diocésaine qui avait plus de ressources, le soin de construire l’église. Ce qui fut fait la même année… L’école composée de deux salles de classe prévues pour l’instruction publique et l’organisation du culte fût construite face à la mairie sur les lots 5 bis et 127 d’une contenance totale (jardin compris) de 2 hectares 55 ares 90 centiares. Mme GOMBEAU et M. LAMBERTIN furent les premiers instituteurs.

En 1889, le même conseil municipal réitérait son projet et émettait l’avis que l’utilité de la construction d’une église à Courbet aurait l’avantage de ne plus affecter l’école communale au service religieux (ce qui était dangereux pour les enfants, trop exposés durant les enterrements à contracter des maladies contagieuses). Mais la commune qui n’avait pas les ressources nécessaires pour faire face aux dépenses qu’entraîneraient la construction de la chapelle, demanda une aide. Le projet selon le maire s’élevait à 14000 francs. Cette église serait semblable à celle du village de Boukhalfa, avec sa sacristie derrière le chœur (mais dans cette sacristie par une disposition particulière, seraient aménagées deux portes, pour permettre d’y introduire le matériel des pompes funèbres).

Quant à son emplacement prévu depuis la création du centre en 1873, sur le lot n°12 bis d’une contenance de 59 ares 10 centiares, il se trouvait dans le même axe que la mairie au cœur du village, derrière l’école. Le 27 mars 1889, la construction de l’église fut décidée par le Gouverneur Général, la commune ayant reçu une subvention de l’État et des autorités ecclésiastiques. L’église du Sacré-Cœur, ce fut son nom, fut bâtie avec le concours des habitants du village qui participèrent truelles en main, à son édification.L’archevêché se réservant de fournir le matériel suivant :
ornement, étoles, écharpes, cordons, nappes, calice, ciboire, ostensoir, six grands chandeliers, une croix d’autel, une croix de procession, un encensoir avec navette, une paire de candélabres, un missel, une clochette, un drap mortuaire, un prie-dieu, six soutanes d’enfant de chœurs avec aubes et calottes, dix vases, une statue de la vierge, un autel avec niche, un chemin de croix, vingt six petits bancs, six grands bancs…

L’aménagement intérieur et la décoration furent enfin réalisés par les paroissiens. Quelques années plus tard, à la demande de l’Archevêque d’Alger c’était la construction d’un presbytère à Courbet qui fût à l’ordre du jour d’une séance du conseil municipal présidée par le nouveau maire Prudent NICOLAS (assisté de MM GRAZIANI, ANTONI, LAFONT, PERAULT, CHABERT, SAUNIER…)

L’Archevêque avait manifesté le désir de placer un prêtre à demeure à Courbet (c’était le curé de Félix-Faure qui célébrait le culte jusqu’à cette date) et souhaitait voir sa demande aboutir le plus rapidement possible. La commune adhérant à la proposition regrettait toutefois de ne pouvoir faire construire le presbytère à ses frais et priait le préfet d’intervenir auprès du Gouverneur Général pour demander la construction du presbytère aux frais de l’État. Le presbytère dont les dépenses furent fixées à 9000 francs, fût construit avec l’aide d’une subvention dans le courant de l’année 1895, par un entrepreneur d’Alger, Gabriel ROGIER. Ce presbytère comprenait un salon, une salle à manger, une chambre à coucher, une chambre « à donner »…Le bâtiment principal était flanqué de deux ailes dont l’une contenait la cuisine et une chambre de domestique et l’autre les servitudes, c’est-à-dire, un poulailler et un cabinet d’aisances. Ce fût l’Abbé CLERC, qui assura le premier, le service religieux. Les Pères ISSANCHOU, SEGUIN, GERNIOU, HENRY, FECKER, FENUCCIU, FOLLIN, GIROUD, GIBERT, GASSIER et CHAMBEAULT lui succédèrent).

Dans les années 1900, suite à une malheureuse affaire de vigne plantée sur la dotation curiale du village dont les revenus opposaient deux prêtres, la messe n’y fut plus célébrée régulièrement. C’est à cette même époque également que la municipalité demanda une subvention de 5000 francs au gouvernement général afin de réparer le bâtiment communal (mairie) datant de la création du centre, qui était en très mauvais état et s’attacha à mieux faire régner l’ordre en obtenant le rétablissement d’un garde domanial pour la surveillance de la forêt du communal (la suppression du garde forestier entretenu par la commune avait été entraînée par la réduction des crédits affectés au personnel). C’est aussi cette même municipalité qui proposat les travaux de reboisement dans le communal boisé (une grande partie de la forêt avait brûlé dans un incendie) et demandat pour éviter le gaspillage, les ressources de la commune étant précaires, que soit organisée une coupe des sapins brûlés et une vente au profit de la commune.

Un autre projet en vue du dessèchement du dernier marais dont la formation résultait de l’écoulement défectueux des eaux de l’Oued-Merdja avait été examiné durant cette période (le foyer pestilentiel produisait encore des effets déplorables sur une partie de la population, causant de nombreux cas de fièvre intermittente, quand la brise de l’est soufflait). Par délibération du 7 décembre 1900, le conseil municipal prit l’engagement de participer dans la dépense pour un dixième seulement. Si la commune ne possédait pas les revenus suffisants pour parfaire à tous les besoins, les finances locales n’étant pas toujours très brillantes, il y avait tout de même, dans ce monde rural de braves et honnêtes gens, une réserve féconde de bon sens, de générosité et de persévérance….
Ce fut un capital merveilleux souvent inutilisé, improductif parce qu’il était éparpillé, sans lien, sans cohésion… Il a suffi de les rassembler autour de quelques hommes formant la nouvelle équipe municipale dirigée par Charles EHREMPFORT pour les constituer en force active, au profit de cette collectivité qui en avait tant besoin.

C’est l’organisation de la perception des droits sur le marché –récemment créé- , la taxe à l’abattage ou encore la location de certains terrains communaux avec obligation d’y complanter des arbres fruitiers et des vignes avec fermages payables en espèces à la parité du prix du blé ou du vin, qui permirent pour le futur, des recettes plus sûres et plus importantes.

En 1906, la commune s’intéressa aussi à l’installation des pêcheurs italiens sur la partie de la plage de Port aux Poules, appartenant au territoire communal. Par une délibération du conseil municipal, le maire demanda que l’administration supérieure veuille bien donner une suite favorable au projet de création d’un village à Port aux Poules et précisa que cette création s’imposait parce que tous les ans, un nombre considérable de pêcheurs de sardines et d’anchois venaient s’y installer, pendant cinq ou six mois de l’année. Par ailleurs la création d’un village à Port aux Poules pourrait devenir le point d’embarquement des produits de ferme de la région de Courbet (les autorités restèrent longtemps réservées à cause des villages de pêcheurs installés à grands frais en Algérie qui n’avaient pas eu la prospérité prévue… Mais finalement le village fut créé).

Enfin, au début de l’année 1913, devant la nécessité d’agrandir la mairie et pour une meilleure organisation administrative de la commune, le maire Charles ERHEMPFORT réélu et l’ensemble de son conseil municipal (MM GERMSER, JEANNOUTOT, SAUNIER, WINCKER, ANTONI…) fit construire une nouvelle mairie. Le bâtiment qui était la réplique de l’hôtel de ville de Pessac (Gironde) comprenait au centre l’hôtel de ville proprement dit avec deux bureaux, une salle de délibération,un logement de secrétaire, avec deux ailes le bureau de la poste (à droite) et la salle des fêtes (à gauche). Pour le mieux être de ses administrés, la municipalité avait également développé ses services, nommé un secrétaire général de mairie, assisté d’un secrétaire adjoint, un afficheur public et la commune avait même décidé de louer la voiture à cheval de Monsieur MARTI pour permettre au courrier d’arriver avec une plus grande régularité.

La place principale du village fut aussi à cette époque redessinée, bordée de chaque côté de neuf ficus bien taillés au carré. Les rues mieux tracées, tirées au cordeau et coupées en angle droit (les façades des maisons blanchies à la chaux). On fit tailler les eucalyptus entourant le village (qui dépassaient parfois les 30 mètres) et couronner la première rangée d’arbres bordant les rues du village à une hauteur de quatre mètres. La mairie enfin sur les conseils de l’architecte communal BASCHIERA, améliora l’alimentation en eau potable de la localité, en faisant exécuter une conduite d’eau de sept kilomètres pour amener les eaux d’un oued voisin.
L’apparition ainsi de toute cette vie sociale organisée était aussi le signe que l’ère héroïque avait touché à la fin. Alexis LAFONT s’éteignit d’ailleurs, le 11 octobre 1894; après une vie bien remplie, Marie-Françoise son épouse, le rejoignit dans le petit cimetière du village, deux ans plus tard, le 21 février 1896. Ainsi, une page de l’histoire du village se tournait…La légende des bâtisseurs de la petite cité venait de naître.

Une commune rurale

Après la mort de ses parents, Hubert LAFONT essaya de continuer sur la propriété familiale l’œuvre de ses parents.Cultivateur de profession et apte à tous les travaux agricoles, il avait créé sur la concession un petit vignoble. Propriétaire d’un matériel complet composé de voitures, charrues, herses, il avait également acquis en 1899, au prix de 1500 francs, une moissonneuse avec laquelle il effectuait des travaux dans diverses propriétés de Courbet. Homme actif et vigoureux, il n’eut certainement pas quitté le village avec sa famille (composée de trois filles et d’un fils) si la concession paternelle n’avait pas été aliénée à la requête des autres héritiers (sa sœur et son frère)… Mais désireux de créer une autre exploitation, et d’y résider définitivement, il avait préféré tenter sa chance ailleurs, pour un centre de récente création : Yakouren.
La propriété de la famille LAFONT, située près du lavoir, fut alors rachetée par la famille CASTELL (le prix d’adjudication s’était élevé à 13 500 francs) on y avait pourtant cultivé depuis peu avec profit, la vigne, les céréales et le tabac…L’agriculture à Courbet était aussi à la base même du développement économique du village (les 4/5ème des revenus étaient tirés de la terre).

L’extension des cultures traditionnelles, principalement celle des céréales, l’augmentation des revenus, et l’introduction des cultures nouvelles, comme la vigne à vin et les primeurs, avaient permis à la fois d’alimenter la population en progression et de fournir à l’exportation des produits de valeur. Depuis quelques années, les champs de céréales aux terres propres et aux moissons régulières, les vastes rectangles que dessinaient les récents vignobles avec leurs rangées alignées au cordeau, le quadrillage rigoureux des vergers et le damier des cultures maraîchères, avaient dessiné autour du village, un paysage géométrique et remplacé les plaines marécageuses d’hier.

Á Courbet, le magnifique essor de propriétés n’était dû en fait qu’au développement du vignoble qui consolida la situation de tous les agriculteurs. Les hauts prix des vins étaient dus à la crise du phylloxera qui depuis quelques années ravageait le vignoble français. L’arrivée de vignerons du Midi fuyant leurs terres ruinées (exemple de la famille PIDEIL et de tant d’autres à Courbet) et de nombreux Espagnols firent progresser le vignoble du village et par la même celui de l’Algérie qui passa de 23 000 hectares en 1880 à 154 000 hectares en 1900.

Au village, la culture de la vigne était avant tout une affaire de famille, chaque famille avait sa cave particulière. Les premiers vignobles créés par les viticulteurs comportaient un grand nombre de cépages, chacun y avait apporté les plants et les modes de cultures propres à son pays d’origine. Mais très rapidement aussi ces nombreuses variétés mal adaptées au milieu ou de production insuffisante, furent abandonnées, et d’autres méthodes de culture adaptées.

Dès 1889, la société d’agriculture des Issers, publiait dans un manuel de viticulteur, la liste des différentes variétés à choisir. Les viticulteurs firent appel pendant la période de 1885 à 1900 à la plupart de ces cépages et plus particulièrement au Grenache, au Carignan et au Mourvedre. Ils choisissaient ainsi pour leurs plantations, les cépages les mieux adaptés au climat et aux différentes natures du sol et susceptibles de donner au vin le maximum de qualité.

Á Courbet on produisait surtout des vins rouges titrant communément de 9,5° à 11° et dépassant parfois 12°, des vins rosés très agréables et en quantité assez limitée, des vins blancs.La culture de la vigne peu pratiquée au début – seuls MM BOURNONVILLE, LAFONT, MEGY, OSTER et SERRE s’y étaient aventurés – contribua au fil des années à la prospérité générale du village et à fixer la population.
Grâce aussi à la nature de la terre mais encore à la rentabilité des récoltes, suivant les époques, on diversifia la culture (cultures maraîchères, céréales, fourrages, agrumes, raisins de table – certains propriétaires comme les PEU favorisés sous le rapport de l’irrigation avaient même tenté avec succès la culture des arachides).
La culture du tabac qui s’était pratiquée à petite échelle fut pour ainsi dire, abandonnée vers 1903 au profit de cultures financièrement plus rentables et moins astreignantes (il ne faut pas oublier que la législation en vigueur de l’époque, imposait un certain nombre de feuilles par plant …) Tous ces produits étaient par la suite commercialisés le dimanche sur le marché ou expédiés vers le marché des Issers ou sur Alger par voie de mer.

La terre apparaissait bien ici comme le seul lieu d’inscription de l’aventure de ces colons (la seule industrie – la fabrique de crin végétal établie par un concessionnaire – avait depuis longtemps disparu). A la veille de la grande guerre, l’agriculture avait réalisé dans cette contrée de vastes progrès. La plus grande partie des terres étaient partout en culture et tous les exploitants se trouvaient sans être riches, dans une situation relativement aisée…

un village en voie de développement

Forts de cette prospérité générale, les colons installés à Courbet, durant la période 1886-1914, réalisèrent un certain nombre d’ouvrages dans des domaines aussi divers qu’importants. Ce développement n’était pas seulement dû aux richesses des ressources de la terre…La population toute entière y avait largement contribué.

Du peuplement primitif qui se fit avec 40 familles, il ne restait au début des années 1910 que 19 familles restées en possession de leurs concessions (les autres ayant vendu ou loué ; deux familles rentrèrent en France). Au recensement de 1886 la commune comptait 360 habitants Français de naissance (100 hommes, 100 femmes et 160 enfants au dessous de 15 ans), elle en comptait 400 en 1897 et 520 vers 1910 dont 143 étrangers (Espagnols et Italiens qui s’adaptèrent rapidement à la vie du village et optèrent par la suite pour la nationalité française) et 2497 Indigènes. L’évolution favorable du village avait contribué à cette hausse de la population et à l’afflux spontané de nouveaux immigrants.

Face à cette bonne situation et devant les possibilités d’avenir qu’offraient le village, de nouvelles familles s’installèrent, modifiant ainsi les composantes humaines des débuts et remplaçant ainsi les décès, les départs et les échecs de certains.

La population européenne nouvellement installée et arrivée en ordre dispersé au village ou dans les fermes environnantes – les Indigènes vivaient retirés dans les douars – avait comme les pionniers des origines diverses :

  1. Alsaciennes (SCHEMER, KOCH, KLEIN, GERMSER, HEYBERGER…)
  2. Corses (DOMINICI...)
  3. Italiennes (D’AGUNDO, DI CRESCENZO...)
  4. Espagnoles (FERRANDIS, PEREZ, CANTO, LLORCA – chassés le plus souvent par la misère et venant du Levant – Alicante, Valence, Murcie)

Tous les autres, les SAUNIER, PEU, PIDEIL, REY, SAVOIE, PONS, LEROUX, CHARNOZ, DEMANGE, TOURNIER, JEANNOUTOT, REYGROBELLET, REAL, RIGAL étaient d’origine très différentes. On trouvait d’anciens militaires de l’armée qui ne voulaient pas retourner en France et préféraient s’installer comme colons, des journaliers ouvriers agricoles qui voulaient devenir propriétaires, des commerçants, ou des familles apparentées à celles qui y étaient déjà et qui les avaient fait venir. La région méridionale ou les départements pauvres du Centre et de la Franche-Comté étaient les plus représentés.

Tous s’étaient unis là encore pour défricher les terres et donner à l’agriculture les moyens de les faire vivre. Les agriculteurs avaient trouvé dans la vigne des salaires aussi rémunérateurs que les bénéfices que leur procuraient jadis les cultures de leurs terres à céréales. Tous aussi contribuèrent à son développement dans les domaines de production et de la commercialisation… Le territoire de la commune s’étant par ailleurs étendu, à 2361 hectares, ils leur avaient été facile de s’y installer.

Jusqu’en 1914, trois maires élus (MM MOULLET, NICOLAS, EHREMPFORT) avaient administré la commune; chacun de leur budget avait pris l’importance comparable à la situation du moment. Le personnel permanent employé par la commune percevait les traitements suivant l’indice du coût de la vie et jouissait de tous les avantages sociaux. La question vitale du centre : l’alimentation en eau, pour cette population en hausse, avait trouvé une solution à son besoin, dans la construction d’un grand réservoir et l’aménagement de réseaux de distribution et le forage de nombreux puits. Un soin particulier avait été aussi réservé au réseau « routier » indispensable à la pénétration dans les campagnes. Pour accéder en tous points dans la commune, des chemins avaient été ouverts ; la route du littoral par ailleurs achevée, avait donné de l’importance au village.

L’œuvre de scolarisation avait reçu également une impulsion vigoureuse. L’école communale recevait depuis, autant de filles que de garçons ; une école libre de filles avait même été créée par Madame Louise JEANNOUTOT. L’hygiène et l’assistance publique étaient assurées par un médecin de Ménerville, qui venait une fois par semaine consulter les malades à la mairie, une vieille Espagnole, Mme CAMPAGNE surnommée MORENO, faisait office de sage-femme…L’hôpital le plus proche n’était qu’à quelques kilomètres, à Ménerville.

L’essor du village avait entraîné, l’ouverture également de plusieurs commerces. Durant de nombreuses années, il n’y avait eu qu’un seul commerce épicerie bazar, tenu par la famille LEROUX. Toutes les familles du village faisaient leur pain, tuaient annuellement un porc et achetaient la viande au boucher de Ménerville, Monsieur GALL, qui passait chaque semaine en voiture à cheval. Le premier boulanger, Monsieur MARTI, ne s’installa qu’en 1895… Il fût suivi d’un épicier, Monsieur VOGIEN et de divers corps de métiers : cordonnier (RIGAL), forgeron (QUITANA), marchand de grains (PIEDEVACHE), maçon (DOMINICI)…

Deux cafés hôtels-restaurants, celui d’Auguste ANTONI « Le retour de la pêche » et d’Adrien CHARNOZ, accueillaient les hommes du village et la clientèle de passage. De nombreux représentants venaient enfin au village, les familles avaient recours à leurs services pour le linge de maison ou pour acheter le matériel agricole (on commandait aussi par catalogue à la Samaritaine). En 1886, la commune se composait de 54 maisons et dépendances. On en comptait 106 dans les années 1910 pour une valeur de 182 500 francs.

Les familles de confession catholique (seuls les ZURCHER, TOURNIER et EHREMPFORT étaient protestants) vivaient d’après les témoignages recueillis en bonne harmonie avec les Indigènes qui résidaient à l’extérieur du village en dehors des familles Kabyles ALICHE et BOUKER qui tenaient au village une épicerie. « ….Pour l’Aïd-El-Kebir, on ne manquait jamais d’offrir aux Européens du mouton, du couscous, et lorsqu’il y avait un mariage, un baptême chez les ouvriers agricoles, les patrons offraient un cadeau. Quand les Européens se rendaient dans une ferme, on leur préparait du café et une espèce de crêpe feuilletée (m’sémen) ou des gâteaux à la semoule et au miel (m’takbah).Jamais un visiteur ne repartait les mains vides et le moindre cadeau était la galette qui servait de pain (Kesrah ) (d'après Mme Thérasse-Fabre) … » Cette sympathie réciproque, cette entente cordiale entre tous les éléments de la petite cité, vérifiée le dimanche, le jour du marché ou au moment de la fête du village (suivant la tradition, chaque année, au mois d’août une grande fête était organisée avec jeux forains, grand bal), avait permis de réaliser bien des projets.

La vie à Courbet coulait lentement….Cette génération d’avant-guerre, animée d’une reconnaissance immense aux pionniers bénéficiait des bienfaits de la civilisation et continuait son oeuvre. Ces hommes qui voulaient accomplir la mission périlleuse que leur avaient confié leurs aînés, souhaitaient que leur descendants puissent jouir aux côtés des musulmans une existence libre et heureuse. Tous d’ailleurs se retrouvèrent dès 1914, sans distinction d’origine sous les drapeaux, répondant à l’appel de la Mère Patrie…

Yves BANDET, Mise en page le 6 février 2009