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Chapitre II
Une plaine tardivement livrée à la colonisation



Étude générale de la plaine

En sortant de la commune du col de Beni-Aïcha qui portait depuis le 2 janvier 1877, le nom de Ménerville, pour honorer la mémoire de Charles Louis PINSON de Ménerville, premier président de la Cour d’Appel d’Alger et auteur de précieux travaux sur la législation Algérienne, on apercevait à l’Est, une vaste contrée qui était la plaine de l’Isser et qui formait l’entrée de la Kabylie . 

Ce territoire, premièrement exploré par le Maréchal RANDON le 2 juillet 1857 fut le théâtre au lendemain de la conquête de nombreux et glorieux faits d’armes qui firent connaître à la population Arabe et Kabyle surtout, combien l’armée Française était courageuse et puissante . 
Son nom de "plaine de l’Isser" lui venait du sultan Moaiz-Bella qui émerveillé par les excellents renseignements que lui donnait son Premier ministre Youssef-Bekline, sur la qualité des terres, sur la richesse des récoltes, la grande quantité des troupeaux, l’appela Yaser (fort belle plaine), d’où le nom "Isser" . 

Limitée au nord par la mer Méditerranée, au sud par le premier contrefort des montagnes du petit Atlas, elle s'étend à l’Est jusqu'au village d’Haussonviller (Azib-Zamoun)et à l’ouest jusqu'au village de Ménerville .  Cette plaine continue au Sud jusqu’au-delà de Souk-El-Had ; de ce village, sa limite est presque une ligne droite jusqu’à Haussonviller ; de là, elle descend sur la mer en comprenant les terres de Douars Raïcha et Ouled-Smir, jusqu’au Cap Djinet ; elle suit ensuite le littoral jusqu’à Zemouri puis revient en s’élargissant jusqu’à Ménerville, en longeant le djebel Djibil .  De l’Ouest à l’Est, elle s'étend sur vingt huit kilomètres, et du Sud au Nord sur dix huit kilomètres .  Sa superficie totale ést de 45145 hectares (451 km2) . 

Le nom de plaine ne peut s’appliquer à tout ce territoire que d’une manière relative et ne devait pas faire naître l’idée d’une vaste étendue de terre complètement plate et unie .  On y voit aussi des collines qui généralement sont de très bonnes terres, où la colonisation pouvait puiser de grandes ressources . 
Si la plus grande partie des terres était défrichée et parfaitement cultivable ; d’important travaux d’assainissement et de défrichement furent faits sur les différents centres à pourvoir . 

Cette plaine de l’Isser allait comprendre dès le début des années 1870, 7 centres de récente création, habités par des Européens, à savoir : 

  1. Souk-El-Had
  2. Bled-Guitoun ou Blad-Guitoun (usité souvent)
  3. Zaâtra
  4. Zamouri ou Zemouri
  5. Isserville
  6. Bordj-Menaïel
  7. Azib-Zamoun (Haussonviller)

et 3 hameaux qui étaient : 

  1. Ain-Refaïa
  2. Ain-Legatha (ces deux premiers formaient le territoire d’Isserbourg)
  3. Cap Djinet

auxquels il fallait ajouter 5 douars occupés par les Indigènes : 

  1. Beni-Mekla
  2. Chender
  3. Raïcha
  4. Ouled-Smir
  5. Isser-El-Ouidan

et un grand nombre de fermes généralement occupées par des Européens . 

Autrefois, cette plaine n’était habitée que par des Indigènes arabes, très laborieux et très industrieux, soumis d’abord aux Romains, puis ensuite aux Turcs ; souvent tourmentés par les invasions des Kabyles, qui jaloux de leurs richesses territoriales, venaient piller et enlever leurs récoltes, ainsi que leurs bestiaux, après avoir mis tout à feu et à sang . 

À partir de 1870, cette plaine fût entièrement livrée à la colonisation, à l’exception de quelques douars encore habités par des Indigènes .  Mais bien avant cette date, les soldats du Génie avaient aménagé dans cette région de l’Est d’Alger, une piste de terre battue afin de relier la capitale à Dellys .  Tout au long de ce grand chemin, pour assurer la sécurité du roulage, la troupe bivouaquait au bord des rivières ou à proximité des sources . 

Ce fut d’ailleurs du camp militaire de Kara Mustapha, situé au bord de l’Oued Boudouaou, que naîtra véritablement le premier centre de peuplement de la région, qui prendra le nom de l’Alma (après la victoire des troupes Franco-Anglaises sur les Russes pendant la guerre de Crimée, sur le Fleuve Alma en 1854) .  Créée le 21 août 1861, cette commune comptait, un camp militaire, un village, des fermes et de vastes territoires, fréquentés par des bêtes sauvages telles que les hyènes, panthères et chacals, qui servaient de terrains de chasse et de pâturages pour les nomades . 

De 1860 à 1870, d’anciens soldats qui avaient fait venir leur famille, s’installèrent dans les parages et tinrent dans des gourbis, construits aux abords des camps et des bivouacs, des débits de comestibles vins et liqueurs ; ainsi au col des Beni-Aïcha, c’est le sieur Paul JUST qui fût autorisé à établir une auberge, tandis qu’au bivouac de Bled-Guitoun, c’est un nommé CHAIX qui tint auberge .  Ensuite, l’arrivée des Alsaciens et des Lorrains aidant, l’émigration s’intensifia . 

Le séquestre général fut opéré aussitôt après l’insurrection de 1871 par l’amiral de GUEYDON, qui connaissait toutes les ressources et les nombreux intérêts que présentait ce pays, et qui voulut le peupler d’Européens .  Le général CHANZY, lors de sa nomination de gouverneur général, vient visiter la plaine de l’Isser et ratifia le grand travail de son prédécesseur . 
Au mois de mars 1872, les premiers colons prirent aussi possession des concessions de Bled-Guitoun (pays des tentes), le premier village créé, puis insensiblement les autres centres furent distribués .  La population totale de la plaine fut alors, à cette époque, de 3584 Européens et 7621 Indigènes . 

Au tout début de la colonisation, la plaine de l’Isser était divisée en trois circonscriptions municipales, deux communes de plein exercice, qui avaient chacune un maire, des adjoints et un conseil municipal, (Bled-Guitoun et Bordj-Ménaïel) et une commune mixte ou Indigène, administrée par un commissaire civil, des adjoints européens et des présidents ou adjoints Indigènes de l’Isser . 
La commune de Bled-Guitoun était du ressort de la Préfecture d’Alger et comprenait alors les villages de Zaâtra, Zemouri (depuis 1875), les deux hameaux d’Isserbourg, les fermes et le territoire des Issers-El-Ouidan .  La population comptait 773 Européens et 3877 Indigènes ; sa superficie totale était de 11841 hectares 12 ares 35 centiares . 

Bordj-Ménaïel dépendait de la Sous-Préfecture de Tizi-Ouzou réunissait le village d’Isserville et le douar de Beni-Mekla .  Sa population était de 1031 Européens et 3915 Indigènes, sa superficie totale de 12885 hectares . 
Enfin, la commune mixte ou Indigène de l’Isser, à laquelle se rattachaient les villages de Haussonviller, Kouanin, Bois-Sacré, le hameau du Cap Djinet et les douars de Bou-Berak, Ain-Mouder, Ouled-Smir, Raicha Rouafa était également du ressort de la Sous-Préfecture de Tizi-Ouzou .  D’une superficie de 45991 hectares, sa population comprenait 578 Européens et 32388 Indigènes . 

Description des territoires communaux

De l’Ouest à l’Est de cette plaine, on rencontrait les centres créés suivants : 

  1. Souk-El-Had
  2. Bled-Guitoun
  3. Zaâtra
  4. Zemouri
  5. Isserville
  6. Isserbourg avec les hameaux Ain-Refaïa et Ain-Legatha
  7. Bordj-Menaïel
  8. Haussonvillers
  9. Le hameau de Cap Djinet

Mais vu les nombreux rapports que cette plaine avait eus avec Ménerville, qui était son entrée principale, il est important de donner des renseignements généraux sur cette importante commune . 


MÉNERVILLE (col des Beni-Aïcha)


Altitude de 159 mètres .  Elle est constituée en commune de plein exercice le 30 novembre 1874 et dépendait de la Préfecture d’Alger .  Sa population (18 familles en majorité d’Alsaciens Lorrains ) était composée de 351 Européens et de 3955 Indigènes, soit au total 4306 personnes pour une superficie totale de 4490 hectares .  Située à 54 kilomètres d’Alger, traversée par la route nationale d’Alger à Constantine, très fréquentée journellement par de nombreuses voitures publiques, et par le roulage, la commune fut un centre très commerçant et toujours très animé . 
L’état sanitaire était très convenable, c’est pourquoi ce point fut choisi pour la création d’une ambulance d’abord, puis en 1873, d’un hôpital dirigé à ces débuts par le docteur ROGER . 

Les terres étaient d’assez bonne qualité mais peu défrichées .  Avant 1872, le col des Beni-Aïcha n’était qu’un lieu de passage naturel sur la route reliant Alger à Dellys (à cette époque, le transport des récoltes se faisait plutôt par cabotage vers les ports de Dellys et d’Alger depuis la petite crique de Mers-El-Hadjadj, qui deviendra par la suite Port-aux-Poules, puis Courbet Marine) . 
C’est aussi pour assurer la sécurité du passage du col (de terribles luttes y eurent lieu pendant les premières guerres de 1844) et pour développer le roulage (transport par véhicule hippomobile) qu’un bivouac fût installé sur la route, face au baraquement des cantonniers, ainsi que deux baraquements de torchis qui abritaient l’un, un débit d’absinthe, l’autre un café maure .  Le bivouac du col devint centre de peuplement en 1872, puis commune de plein exercice et reçut le nom de Ménerville en 1877 . 


Les autres centres créés étaient : 

SOUK-EL-HAD (annexe de Ménerville)

  • Adjoint  :  M .  GIROD
  • Altitude  :  70 mètres au-dessus du niveau de la mer
  • Population  :  161 Européens
  • Superficie  :  3658 hectares distribués à 40 familles, le 19 novembre 1872

Son nom lui venait d’un ancien marché, autrefois très important, supprimé depuis 1871, et rétabli en 1874 .  Située sur un plateau à 60 kilomètres de la capitale, ombragée par de nombreux oliviers séculaires et sauvages qui dateraient de l’occupation des Turcs .  Cette localité possédait un communal très important ; les cultures étaient assez avantageuses, les eaux de bonne qualité et l’état sanitaire assez bon . 



BLED-GUITOUN (ou BLAD-GUITOUN)

constituée en commune de plein exercice, le 30 novembre 1874:
  • Maire : M .  VINSONNAUD
  • Altitude : 94 mètres à la première marche de l’église
  • Annexes : Zaâtra, Zemouri (depuis 1875), Isser-El-Ouidan
  • Population :  190 Européens et 623 Indigènes soit 813 individus
  • Superficie : 1749 hectares 47 ares 35 centiares

Située à 61 kilomètres d’Alger, sur une éminence très pittoresque, à deux kilomètres de la route départementale n°1 .  Ce nouveau centre créé en mars 1872, immédiatement après les désastres de la guerre de 1871-1872, fut occupé essentiellement par des familles d’Alsaciens-Lorrains .  Ces terres étaient favorables à toutes les cultures, et presque entièrement défrichées .  C’était un sol assez accidenté et d’un bon rendement . 

Un lavoir fut très vite construit à l’entrée du village, ainsi qu’une école .  La Mairie était convenablement installée, et de nombreuses plantations d’eucalyptus furent faites dans les terrains communaux en 1876, par l’administration des Ponts et Chaussées .  L’état sanitaire était excellent à ses débuts, les fièvres qui, au départ, étaient assez fréquentes devinrent rares et bénignes .  Une église qui était située au sud du village sur l’extrémité du plateau dominait une partie de la plaine et s’apercevait de très loin . 



ZAÂTRA (annexe de Bled-Guitoun)

Ce nom lui avait été donné en raison d’une plante, d’une odeur très forte –genre menthe sauvage- employée par les Indigènes, avec succès, dans les maladies d’estomac surnommées « Zaâter » dont on a fait Zaâtra . 

  • Adjoint :  M . MICHEL
  • ltitude: au centre du village, 702 mètres au-dessus du niveau de la mer . 
  • Population :  193 Européens et 710 Indigènes soit 903 individus
  • Superficie :  1630 hectares

Cette commune était située à soixante-huit kilomètres d’Alger, sur un mamelon qui dominait toute la plaine de l’Oued-Merdja, d’où l’on découvrait la mer au nord et les montagnes du Djurdjura au sud, abritée des vents de l’ouest si fréquents en hiver, par la chaîne de montagnes dite Djibil, qui commençait à Ménerville et finissait sur le littoral en avant de Port aux Poules . 
Elle était habitée par des familles Alsaciennes-Lorraines, installées le 27 décembre 1872 .  Le nouveau centre était essentiellement agricole ; les terres y étaient excellentes .  Les montagnes environnantes renfermaient des quantités considérables de minerais de fer . 
Au début, les eaux potables laissaient à désirer par leur quantité et leur qualité .  Deux anciennes sources romaines y avaient été captées et amenées au village .  La salubrité de ce centre ne laissait rien à désirer, les rues étaient larges, bien entretenues ; les maisons bien espacées et parfaitement aérées .  MM .  ZURCHER frères, colons très actifs, avaient fait de leur propriété, une ferme des plus agréables .  Des traces d’anciennes constructions romaines trouvées à l’extrémité nord de ce village, et dont ils ne restaient plus que des fondations, indiquaient qu’il existat en ce point une forteresse assez importante . 



ZEMOURI (ou ZAMOURI)

La commune de Zemouri était située à soixante-dix kilomètres d’Alger, à douze kilomètres de la route départementale n°1, à deux kilomètres de Zaâtra, et à quatre kilomètres huit cents de la mer .  Cette dernière route aboutissait à un ancien port romain qui, d’après les restes de constructions devait être très important .  Ce port nommé Port aux Poules (Mers-El-Djadj) était abrité seulement des vents de l’est ; de nombreuses balancelles y venaient journellement chercher les produits du pays .  Par cette voie, le trajet d’Alger au début de la création du centre, se faisait en deux heures et demie par temps ordinaire . 

Situé à une altitude de 87 mètres, et d’une superficie au départ de 1752 hectares 50 ares, la commune lors du premier recensement de 1877, comptait 631 individus – 238 Européens et 393 Indigènes .  Ce nouveau centre fut remis aux colons le 6 novembre 1873 et renfermait quarante feux . 
C’était généralement d’anciens Algériens déjà acclimatés et connaissant la culture .  Les terres défrichées étaient très bonnes, sablonneuses, favorables à toutes les cultures ; les défrichements s’exécutaient à des prix peu élevés, à cause du bois qui était très recherché dans les environs . 

Les nombreuses plantations d’eucalyptus globulus, faites par le département tout autour du village dès 1874, changèrent singulièrement l’aspect et améliorèrent beaucoup l’hygiène de cette contrée .  Depuis cette époque, une grande amélioration était sensible, les maladies devenaient moins fréquentes et surtout moins graves .  Les seules eaux potables qui servaient à l’alimentation des habitants, se trouvaient au début à un kilomètre trois cents avant d’arriver au village entre Zaâtra et Zemouri .  Une ancienne source Arabe alimentait toute la contrée, et servait à irriguer une belle orangerie située en dessous .  Sa position élevée, son voisinage de la mer, ses plantations, la qualité des terres ; son minerai, tout, contribuait à assurer l’avenir de ce charmant pays, qui déjà, à cause de son port connaissait une certaine animation commerciale et industrielle . 



ISSERBOURG (annexe de BLED-GUITOUN)

Le centre comprenait deux hameaux, rive gauche de l’Isser (Ain-Refaïa et Ain-Legatha) plus les fermes d’Isserbourg et le territoire des dix fermes d’Européens d’Isser-El-Ouidan . 

  • Adjoint : M.CORNEVIN
  • Population : 162 Européens et 2152 Indigènes soit au total: 2313 individus
  • La superficie du territoire était de 2275 hectares . 


AIN-REFAIA

Altitude : 47 mètres . 
Ce nom lui venait d’une ancienne source Arabe, très abondante, ne tarissant jamais et d’une très bonne qualité, qui avait été captée sur place, à trois cents mètres du village .  Le département y avait fait construire une fontaine en pierre avec un vaste abreuvoir . 



AIN-LEGATHA


Altitude : 51 mètres . 
Ce nom lui venait aussi d’une très bonne source Arabe, qui se trouvait sur le bord de l’Isser .  Ancienne résidence de la grande famille de BEN KANOUN, séquestrée en 1871, qui possédait plus de 4000 hectares de bonnes terres dans les environs .  Les terres de ces deux hameaux généralement bonnes à toutes cultures, étaient très accidentées; presque partout les défrichements avaient été faits par les Arabes, longtemps avant l’arrivée des colons .  Une belle et bonne route avait été faite par les soins de l’administration, pour desservir ce territoire, qui souffrait beaucoup du manque de communication convenable . 



ISSERVILLE (annexe de BORDJ-MENAIEL)

  • Adjoint : M. COUGOURROUX
  • Altitude : 80 mètres . 
  • Population : 372 Européens et 787 Indigènes soit au total: 1159 individus
  • Superficie : 3485 hectares

Cette commune était située sur un plateau isolé, qui dominait toute la plaine ; de tout côté, le panorama était des plus intéressants, tant à cause de la variété du paysage partout très accidenté, que la luxuriante végétation du sol .  Ce centre était destiné, en raison de sa progression, à devenir un point de culture des plus importants .  Tout ce territoire portait autrefois le nom de BEN MAHICHE, chef d’une ancienne tribu nègre, dont il ne restait plus aucune trace; ensuite il avait appartenu à la famille BEN TAIEB, séquestrée à la suite de l’insurrection de 1871 . 
Livré aux colons le 28 décembre 1872, presque tous anciens Algériens, de nombreuses constructions furent élevées en fort peu de temps .  Les terres étaient bonnes, de nombreuses plantations de vignes avaient été faites sur les flancs des principaux coteaux du village, presque toutes les terres étaient en culture, et offraient des rendements importants . 
L’administration fit là encore planter des eucalyptus tout autour de ce centre qui servirent de brise-vent et améliorèrent beaucoup l’hygiène locale .  On trouvait là encore sur une grande étendue de terrain au sud, des débris de constructions romaines, principalement des anciens lieux de sépultures, une quantité de tombeaux taillés dans les rochers…



BORDJ-MENAIEL


Commune de plein exercice, du nom d’une Maraboute des OULED SIDI NAIEL
Maire : M. Charles BERNARD
Premier Adjoint : M .  Florentin LEBIGUE
Altitude : Sur la route 28 mètres, à la première marche du fort 70 mètres . 
Population : 659 Européens et 178 Indigènes soit au total: 837 individus
Superficie : 4200 hectares

Un premier centre de colonisation ayant été créé le 26 janvier 1859, par décret impérial ; 1718 hectares 69 ares 30 centiares furent distribués aux premiers colons ; puis l’agrandissement de ce centre fut décidé par l’Amiral de GUEYDON, le 2 septembre 1872 . 
Grâce à la supériorité de ses terres, cette commune fut peuplée très rapidement et paraissait destinée à devenir le centre principal des différentes administrations de la plaine de l’Isser .  Située sur les flancs nord-est d’une pente mamelonnée, elle dominait la plaine du côté de la mer . 
Le roulage était aussi important ; il se faisait régulièrement, transportait les nombreux produits de la Kabylie et rendait de grands services à la colonisation .  Les affaires commerciales progressaient tous les ans ; la prospérité de ce pays ne pouvait que concourir à faire hâter la construction des voies ferrées promises depuis longtemps, siège d’une justice de paix, d’une brigade de gendarmerie depuis le 25 juin 1873, et résidence d’un médecin de colonisation . 

Ces administrations animaient ce nouveau centre qui, en raison de sa position, sera appelé à un brillant avenir .  Un marché très important se tenait tous les vendredis à trois kilomètres de Bordj-Menaiel, près du caravansérail, connu sous le nom de marché des Issers, datant de l’invasion des Turcs .  De nombreuses affaires commerciales y étaient traitées .  C’était un marché des plus fréquentés par les Européens, par les Arabes et les Kabyles .  L’hygiène au début très mal observée, fut satisfaisante au bout de deux ans surtout, à cause de la grande amélioration survenue dans la salubrité générale . 



HAUSSONVILLERS (AZIB-ZAMOUN)


Annexe de la commune mixte et indigène des Issers . 
Adjoint au Maire : M. DRACH
Altitude : 193 mètres
Population : 254 Européens et 276 Indigènes soit 530 individus
Superficie : 4722 hectares

Ce nouveau centre a été créé par les soins dévoués de M .  le Comte d’Haussonville, de l’Académie Française .  itué à 81 kilomètres d’Alger, le village fut construit sur un mamelon en face du caravansérail, qui datait de 1855 .  Les terres assez bonnes, complètement défrichées depuis de longues années, se trouvaient sur de nombreuses collines .  La plus grande partie pouvait être cultivée à la charrue .  Dans les plaines de l’Oued-Chender et du Camp du Maréchal, elles étaient très fertiles,et une vaste étendue pouvait être irriguée .  C’était là encore, un centre essentiellement agricole qui ne pouvait que progresser . 
En peu de temps, des écoles, une mairie, des fontaines, un lavoir furent élevés par les soins de l’administration .  Les eaux étaient abondantes et de très bonne qualité .  L’état sanitaire s’améliora vite . 



CAP DJINET


Hameau dépendant de la commune mixte et indigène des Issers . 
Altitude : 48 mètres . 
Population : 10 Européens et 584 Indigènes soit 594 individus
Superficie : 398 hectares, concédés le 26 octobre 1873 à trois familles d’Européens :  MM. GIRARD, RISPAL et GARNIER . 

Situé à 22 kilomètres de Dellys, à 18 kilomètres de Bordj-Menaiel sur un plateau, ce territoire était constitué par un sol tourmenté, montueux, qui s’étendait par une série d’étages successifs et inégaux et sur une longueur de huit kilomètres, un périmètre de trente kilomètres environ .  On remarquait d’anciennes traces d’éruptions volcaniques .  Les terres cultivables étaient assez restreintes, elles étaient généralement couvertes de palmiers-nains, de broussailles, lentisques (nom vulgaire d’une espèce de pistachier), genêts épineux et jujubiers . 
L’agriculture, l’élevage surtout, constituaient les principales ressources du pays .  Sa proximité de la mer fit naître l’idée de créer en ce point, une colonie de pêcheurs .  Le Cap Djinet était d’ailleurs souvent visité par des balancelles, qui venaient s’abriter du vent de l’est .  Les transports en été, se faisaient très facilement par cette voie; le trajet d’Alger se faisait en trois heures quand le vent était favorable . 


Observations géologiques, hydrographiques et climatiques

La terre de cette plaine où l'agriculture promettait les plus heureux résultats, présentait presque partout, le même caractère, essentiellement argileux  .  Elle était mêlée de marne très friable dans les montagnes, par contre près du littoral elle était sablonneuse .  Les terres généralement de bonne qualités convenaient à toutes les cultures, surtout aux céréales .  Elles produisaient des rendements élevés, quand elles étaient convenablement aménagées; en moyenne on obtenait un revenu de 10 pour 1 .  Avant l’arrivée des colons, il existait déjà de grandes étendues de terres entièrement défrichées .  Après quelques années on espérait qu’elles le seraient toutes .  Tous les produits étaient recherchés, les fourrages de la plaine étaient abondants et d’une bonne qualité, ce qui fut avantageux pour faire l’élevage, industrie des plus importantes ; dont le rendement était souvent supérieur à la culture . 
De tout temps, la plaine des Issers était renommée par ses nombreux troupeaux et surtout par la beauté de ses chevaux qui avaient une grande ressemblance avec le cheval Syrien . Les produits céréales étaient :  les blés durs, les blés tendres, l’orge, l’avoine, le millet (bechena), les fèves etc…

Le tabac, très estimé et très recherché par l’administration et sur tous les marchés, brûlait parfaitement et avait un parfum qui le faisait préférer, il y venait très beau sans irrigation . 
De nombreux coteaux de vigne y furent plantés et tout faisait espérer que les produits seraient de bonne qualité .  Les nombreuses plantations d’eucalyptus globulus avaient enfin, singulièrement amélioré les bas-fonds de la plaine très connus par leur antique insalubrité . 

La plaine des Issers était arrosée par de nombreux cours d’eau ; quelques-uns étaient très importants, surtout après les pluies d’hiver et les fontes des neiges tombées sur le Djurdjura et les montagnes du petit Atlas .  Un certain nombre restait presque sans eaux pendant les grandes chaleurs de l’été (quelques-uns uns disparaissaient même complètement pendant cette saison) . 
Le plus important de ces cours d’eau était l’Isser, qui effleurait la Kabylie sur une grande partie de son trajet .  Il parcourait une étendue de 230 kilomètres, coulait de l’Ouest à l’Est et du Sud au Nord, dans la portion de la plaine qui lui avait donné son nom . 

Malgré ses hautes berges, il survenait souvent des débordements, même des inondations épouvantables .  On citait celles de 1834 et 1853, qui avaient fait des ravages en certains points et même quelques victimes .  Son embouchure enfin, se trouvait à l’Est du village de Zemouri, à l’Ouest du cap Djinet .  Les rivières les plus importantes qui sillonnaient la plaine de l’Isser et venaient s’y jeter étaient l’Oued Djemaa, l’Oued Menaiel et l’Oued Chender .  En plus de ces rivières, il existait un grand nombre de petits cours d’eau, malheureusement desséchés pendant l’été et de nombreuses sources excellentes comme boisson et pour les usages domestiques . 

L’air de la plaine de l’Isser était très pur et salubre, parfois très vif, suffisamment chargé d’oxygène, tandis qu’autrefois ce n’était qu’un véritable réservoir d’effluves marécageuses .  Les Arabes se voilaient le visage, se bouchaient le nez pour ne pas respirer un air pestilentiel .  Insensiblement, ils avaient créé un terrain solide, en donnant de l’écoulement à toutes les eaux stagnantes et étaient parvenus ainsi à rendre ce territoire abordable, à l’aide de nombreuses voies de communication . 
Le climat était assez variable comme sur le littoral de l’Algérie .  De même que, dans les pays intertropicaux, il n’existait guère ici que deux saisons :  la saison sèche et chaude et la saison humide et froide .  Le printemps et l’automne étaient presque insignifiants .  La saison sèche et chaude commençait en mai, juin et finissait en septembre .  La saison humide et froide débutait en octobre et se terminait en mai .  Les orages étaient assez rares pendant la saison chaude .  Vers le 15 septembre, quelques ondées venaient agréablement rafraîchir le sol échauffé par plusieurs mois de sécheresse régulière .  Tous les jours pendant l’été, vers 9 heures et demi du matin, la brise de mer du nord venait très régulièrement se faire sentir, et calmer les grandes chaleurs du matin . 

En hiver, cette brise n’existait pas, ou du moins à de très rares occasions .  La pluie, fréquente et très abondante en hiver seulement, était souvent précédée d’un vent du sud (sirocco) qui durait ordinairement trois jours, puis survenait le vent du nord-ouest ou de l’ouest qui amenait la pluie, quelquefois torrentielle .  En hiver, les vents dominants étaient ceux du nord-ouest ou de l’ouest et du sud-ouest ; en été, ceux du nord et du nord-est .  Les tempêtes assez fréquentes en hiver, venaient principalement de l’ouest ou du nord-est, parfois assez violentes pour renverser des arbres isolés, ce qui gênait et contrariait beaucoup les plantations récentes .  L’humidité variait selon l’intensité de la chaleur solaire ou de la force du vent et de sa direction .  Pendant la saison humide, l’humidité relative ne descendait guère plus bas que 40% tandis que pendant la saison sèche on constatait 16%, la moyenne elle était de 64% .  Comme on le savait, l’humidité jouait un rôle très important dans l’hygiène d’une localité, la sécheresse exagérée de l’air était pénible, une humidité comme celle de la plaine de l’Isser était favorable . 

Les brouillards, assez fréquents dans les régions basses de la plaine seulement, étaient quelquefois très épais, mais jamais persistants ; ils se dissipaient sous l’influence de la chaleur .  Ils étaient formés aux dépens de l’eau de l’Isser et des vapeurs aqueuses du sol .  (En 1875, le 10 mai, à deux heures de l’après-midi, le soleil fut complètement voilé par un brouillard très épais qui persista pendant quatre heures) . 
Les rosées étaient enfin très fréquentes et très abondantes, la température offrait ici de nombreuses variations .  La température moyenne pendant l’été en degrés centigrades était de 20° à 24° à l’ombre, et de 40° à 50° au soleil .  En hiver, elle variait de 10° à 15° .  La température baissait assez vite, surtout si le ciel était pur à partir de quatre heures de l’après-midi .  Le colon devait donc se garantir contre ces variations .  Après l’étude de cette vaste contrée et des différents territoires communaux créés à la suite du séquestre né de l’insurrection de 1871, nous nous attacherons dans les chapitres suivants à l’œuvre de la colonisation dans le cadre plus étroit du centre de Zemouri . 

Yves BANDET, Mise en page le 6 février 2009